Alfredo Müller, peintre graveur 1869-1939 | Osny Aller au contenu principal

Alfredo Müller, peintre graveur 1869-1939

Alfredo Müller (Livourne, Toscane 1869-Paris 1939) est un peintre et graveur toscan, suisse et français. Il a résidé au petit Moulin d’Osny avec sa compagne Marguerite de 1901 à 1903.

 

À l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de l’artiste, le Musée William Thornley d’Osny lui a consacré une exposition du 6 septembre 2019 au 6 janvier 2020.

Au Petit Moulin d'Osny, 1901-1903

Alfredo Müller passe l'été 1901 au Petit Moulin d'Osny, l'un des six moulins sur la Viosne, devenu plus tard restaurant du Moulin de la Renardière, aujourd'hui propriété privée. Le 19 septembre, il écrit à Edmond Sagot, son éditeur parisien préféré : "Cher Monsieur Sagot, Permettez-moi de vous rappeler votre promesse de venir passer un dimanche dans mon humble chaumière. Il y a un train qui part de Paris St Lazare à 10.08 du matin et qui arrive à Osny à 11.27. Si vous ne redoutez pas de faire 3 kilomètres à pied, il y a un train plus rapide qui quitte la gare St Lazare à 9.35 et qui arrive à Pontoise à 1 O. 1 O. Espérant un mot de votre part qui m'indique votre heure, croyez, cher Monsieur, à mon amitié, Alfred Müller au petit moulin d'Osny, par Pontoise, Seine et Oise."

Le peintre de nationalité suisse est issu de la société internationale de Livourne, le port toscan où il est né en 1869. Emigré à Paris en 1895 après qu'un formidable krach bancaire a ruiné sa famille, il a trouvé dans le monde de la gravure de chaleureux amis et s'est fait un nom dans cet art dans lequel il excelle désormais grâce à son sens du dessin, sa maîtrise technique et sa virtuosité chroma­tique.

Depuis 1897, le graveur parisien Alfred Muller dispose d'un atelier au 73 rue Caulaincourt, au-dessus de l'appartement de Théophile Alexandre Steinlen. L'atelier est de plain-pied du côté de la rue Caulaincourt, alors que, grâce au dénivelé, l'appartement des Stein­len a une vue imprenable du côté de la rue Lamarck. Il noue une amitié durable avec son célèbre voisin dessinateur et sa petite Colette, le modèle favori de ses gravures enfantines.

Müller était déjà venu à Osny en 1898 ; peut-être avant. Si ses ar­chives n'avaient pas été détruites, elles nous diraient qui l'y a conduit. C'est probablement Pissarro : les Italiens qui l'ont fré­quenté après son retour en Toscane en 1915 parlent abondam­ment de ses liens personnels à Camille Pissarro et Paul Cézanne ; nous espérons que les archives des deux maîtres confirmeront un jour notre conjecture.

Au printemps 1902, Müller laisse l'atelier du 73 rue Caulaincourt à Pierre Auguste Renoir qui, handicapé par d'atroces rhumatismes, cherche un lieu de plain-pied pour installer son chevalet. Il fait du Petit Moulin d'Osny sa demeure jusqu'en octobre 1903. Müller travaille beaucoup. Echaudé par la cupidité d'Ambroise Vollard, il confie ses toiles au père Thomas dont il apprécie la bonhomie.

Il grave de vastes scènes champêtres qu'il imprime lui-même ou vend avec le bon à tirer à ses éditeurs Sagot et Pierrefort. Ces grandes planches lui valent une remarque cocasse de Gustave Bourcard, auteur en 1903 d'une encyclopédie de la gravure, qui écrit ( ... )nous nous permettons respectueusement d'attirer l'attention de l'artiste sur ses formats qu'il exagère par­fois un peu ; pour n'en cirer qu'un exemple, sa belle pièce Le Ru d'Osny est immettable en portefeuille ; mais c'est pour encadrer nous dira-t-on; c'est possible, mais l'acheteur hésitera tout de même à s'en rendre acqué­reur, parce que son miroitier lui demandera trop cher et qu'il perdra d'un côté ce qu'il croira avoir gagné de l'autre.

En 1903, Müller commande à un menuisier d'Osny une table en chêne à huit pieds renforcés mesurant 104 x 162 x 72 cm. La table qui a suivi l'artiste dans ses pérégrinations et a survécu à la dis­persion de ses biens porte une inscription pyrogravée : « Dessiné par A. Müller, construit par P. Dessenne à Osny en l'année 1903 ».

Il faut sans doute rapprocher cette commande du projet qui oc­cupe l'artiste durant l'année 1903, puis à Suresnes où il s'installe en 1904. [l prépare six frises lithographiques dans le goût del' An Nouveau qui seront éditées par Edmond Sagot. Les motifs de Müller ne sont pas répétés à l'intérieur d'un lé, si bien que les frises peuvent être utilisées indifféremment comme estampe décorative ou frise de papier peint.

Il dispose de plaques de zinc de 120 x 160 cm sur lesquelles il dessine ses frises deux à deux tête-bêche avant de les tirer à six couleurs. Il imprimera au moins cinq cents épreuves de chaque motif et plus de mille des Cygnes et des Paons. Pourtant ces frises recherchées qui n'ont pas bénéficié du dépôt légal sont difficiles à trouver aujourd'hui. A l'évidence, Müller dispose de presses au Petit Moulin d'Osny, tant pour ses gravures que pour ses lithographies.

Müller, surmené, tombe gravement malade en mai 1903. Les revenus de La Nonchalante, une très belle eau-forte imprimée en diverses associations de couleurs qu'il vient de vendre pour sept cents francs à Edmond Sagot, lui permettent de survivre financièrement.

Mais sa maladie l'empêche de se rendre à !'Exposition internatio­nale de Limoges où Pierrefort expose ses aquafortistes. Dans le Limoges illustré du 1er juillet 1903, le journaliste Wolfram s'en émeut : Excusez-moi, mon cher Directeur, de commencer ma semaine par une pénible nouvelle. Il s'agit de Muller, cloué au lit par la fièvre typhoïde ; mais je tiens à adres­ser au talentueux aquafortiste mes souhaits de prompte guérison.

Le 10 juillet, enfin tiré d'affaire, il offre une épreuve de La Nonchalante au médecin d'Osny gui l'a soigné. L'épreuve en tons de rose, dédicacée « au Docteur Bonillat, en remerciement de ses bons soins, son malade guéri, Müller, Osny, 10 juillet 1903 », a été acquise par le département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France en 2012.

Müller quitte définitivement Osny en octobre 1903.

L'artiste livre à Sagot un lot de lithographies : une centaine d'épreuves des frises, les premières épreuves de trois autres lithographies, La Balustrade, La Sonate et Le Tub, et la plaque de La Viosne à Pontoise dont Eugène Delâtre imprimera une édition commerciale en 1911.

Il installe son atelier dans le pavillon familial du 26 rue Merlin de Thionville à Suresnes et travaille à l'impression des frises. De cette époque date Vieille église de Suresnes, une toile qu'il offre à la chère Colette Steinlen. Colette la prête en mai 1908 pour l'exposition de peintures de l'artiste organisée par la galerie Rosenberg, alors située au 38 avenue de l'Opéra.

Müller restera fidèle sa vie durant au souvenir d'Osny. Ces lieux aimés sont des thèmes récurrents de son oeuvre. Il peint encore la ferme du Friche et le ru d'Osny, au crépuscule dans les lumières du contrejour, en 1919, 1923, 1930, alors qu'il est en Toscane, et jusqu'à son dernier souffle rendu à Paris en février 1939.

La ferme de la Groue ou ferme du Friche

Autrefois les tanneurs d'Osny et de Pontoise étalaient leurs peaux sur un friche. C'est cet usage du pré qui a donné son autre nom à la grande ferme seigneuriale de la Groue située sur les hauts d'Osny sur un coteau orienté au sud faisant face à l'église. La Groue a donné un patronyme local.

Camille Pissarro et Paul Gauguin la peignent ensemble en 1883. De Pissarro, La Ferme du Friche à Osny est une toile paisible de 46 x 54 cm et de dominante bleu ; au premier plan, une paysanne chemine au bord de la Viosne. La Ferme du Friche à Osny, Vaches s'abreuvant est une toile plus petite, 32 x 41 cm, aux couleurs de l'automne. De Gauguin, Une ferme à Osny, toile de 38 x 46 cm aux tons chauds, est un paysage inhabité.

Les deux peintres ont choisi un point de vue orienté à l'est. Alfredo Müller se place face à l'ouest. Son choix, motivé par son respect pour ses prédécesseurs qu'il ne voudrait ni imiter, ni encore moins plagier, s'accorde à sa prédilection pour les clair­-obscur, les contrejours et les lueurs du soir qui éclairent ses scènes mélancoliques.

Alfredo Müller a certainement peint le motif avant de le graver pour son éditeur Pierrefort. La peinture originelle n'a pas été re­trouvée. Il reprend le thème plus tard, durant ses années floren­tines (1915-1932). Avant Vecchio cascinale a Osny en 1930, il peint li ritorno en 1919, exposé à Milan en 1922, et Sera sur un support de bois de 99 x 99 cm en 1923, exposé la même année à la Quadriennale de Turin.

Texte de Hélène Koehl, présidente de l'association Les Amis d'Alfredo Müller